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Troisième édition de « The return back to the Roots» :  Quand les afro descendants défient l’histoire, le temps et la géographie !

Co organisé du 19 au 21 juillet 2024 par l’Association  ScenAfric, la ville de Dakar, le Ministère en charge de la culture, et le Grand théâtre National de Dakar, le retour des afro descendants sur la terre de leurs ancêtres dénommé « The return back to the Roots 2024 » a permis de fermer à jamais cette porte dite du « voyage sans retour » de la Maison des esclaves de Gorée pour en rouvrir une autre, celle de la  paix, de l’amour, de la prospérité, de l’abondance, de la joie sur l’Afrique et sur les afro descendants quel que soit leur provenance.

La Maison des esclaves de Gorée a reçu des visiteurs pas comme les autres le vendredi 19 juillet 2024 ; ceux et celles-là mêmes dont les ancêtres ont séjourné dans des conditions inhumaines d’atrocité, de souffrance, de honte et d’humiliation avant d’être déportés principalement en Amérique comme esclaves.  En effet, les afro descendants comme on a coutume de les appeler venus d’Haïti des Antilles, de l’Amérique Latine, des USA, des iles Comores du Canada ne sont pas venus seulement pour effectuer un pèlerinage à Gorée, l’île témoin de jusqu’où peut aller la bêtise humaine. Ils sont venus pour fermer définitivement la porte arrière de la Maison des esclaves de Gorée qui s’ouvre sur l’Atlantique, cette porte du voyage du non-retour qui une fois franchie par un esclave, ne laissait aucune chance de revenir. Du coup, ils ont réussi à défier l’histoire, le temps et la géographie qui les éloignaient de la terre de leurs ancêtres  du fait de la cupidité des négriers blancs et de leurs complices. 

L’évènement a permis aux afro descendants  de communier avec l’esprit de leurs ancêtres, de prier pour eux et de célébrer la femme noire  à travers une cérémonie de remise du prix  « Léopold Sédar Senghor femme noire, femme africaine » à des   afro descendantes et  femmes africaines de valeur  qui se sont distinguées par leur travail et leur engagement pour le rayonnement de la femme africaine et de la femme noire. « The return back to the Roots 2024 » qui en est à sa troisième édition est une  initiative d’une femme sénégalaise engagée dans la promotion des initiatives créatives de développement en Afrique Coach Rama Ata Gaye fondatrice de ScenAfrik. Ila été riche en symbole, en enseignements  et en émotion. Une cérémonie d’ouverture de la porte du retour des afro descendants a été organisée au musée  de la renaissance africaine, un lieu tout aussi symbolique qui a été l’occasion de célébrer la femme noire à travers la remise du Prix Léopold Sédar Senghor Femme Noire, Femme Africaine 2024. « The return back to the Roots 2024 » s’est terminé en beauté par une caravane touristique qui a conduit les participants aux îles du Saloum et à Popenguine,  et par une soirée de Gala pour célébrer l’Homme noire.  

Gorée accueille ses descendants  avec les rythmes et couleurs africains

Le voyage symbolique à l’ile de Gorée d’afro descendants tout de blanc vêtus a été marqué par deux temps fort : des spectacles de danses traditionnelles, et de chants aux rythmes africains à l’honneur des illustres invités et la visite de la Maison des esclaves.

La prestation du Groupe  de danse  de l’artiste, formatrice Marianne Niox a été organisée pour souhaiter la bienvenue aux invités  afro descendants sur le sol de l’ile de Gorée. Cette prestation  de danse et de chants accompagnait la simulation d’un mariage princier noir improvisé dans la pure tradition ancestrale.Une belle chorégraphie d’une variété de chants et de danses traditionnelles Lébou (population autochtone de la Région de Dakar) a aussi été servie aux visiteurs. Cette première activité riche en son et en couleur a permis d’établir un premier pont culturel entre afro descendants et africains. 

Elle a été suivie par une visite à la Maison des esclaves de Gorée.  Pour Rama  Ata Diagne,l’initiatrice du concept « The return back to the Roots 2024 », « C’est une journée importante pour les afro descendants qui ont effectué le voyage. Ils sont venus remercier leurs ancêtres, remercier l’Afrique, faire leur séance de prière et  de fermeture de la porte de non-retour ».

Ainsi, les mains sur le mur de la Maison des esclaves, pour communier avec l’esprit des ancêtres, les visiteurs ont prononcé leur prièreau rythme tu Tam-Tam. C’est pour eux un  jour d’action  de grâce, à l’occasion de laquelle ils sont venus formuler des prières pour leurs ancêtres et pour tous ceux et celles qui ont contribué à la lutte ayant permis de mettre un terme à ce crime odieux qu’est l’esclavage et de libérer le peuple noir des démons de la guerre, de l’oppression de la méchanceté de la haine et de la pauvreté. Les afro-descendants ont été accompagnés dans cette prière par le clergé de Gorée ainsi quel’imam de la mosquée de Gorée qui ont tour à tour formulé des prières pour eux et pour leurs ancêtres. 

Perpétue Robert, une haïtienne, était chargée de prononcer la Prière au nom de tous les afro descendants.  « Nous venons pardonner à ceux qui ont contribué à perpétué cette honte, nous leur pardonnons à leurs descendants.  Nous venons fermer à jamais la porte qui symbolise le départ de tes enfants sur la terre étrangère, nous venons à ce jour te remercier pour le courage,  la force et l’intelligence que tu as donné à Toussaint l’Ouverture, à Boukman, à Marie Claire Heureuse, à l’empereur Jean- jacques Dessalines, à Victoria Montou dite « la duchesse Toya » à Cecil Fatiman,   et à tous ceux qui ont combattu  de près ou de loin la force de leur oppresseur ».  Elle a poursuivi en ajoutant « Nous te demandons et réclamons que l’esprit de guerre, de haine, de pauvreté et de destruction soit remplacé par l’esprit de  paix, d’amour, de prospérité, d’abondance, de joie sur l’Afrique et sur les afro descendants quel que soit leur provenance.  En ce jour d’action de grâce, nous déclarons  que les portes de l’idolâtrie, de la méchanceté,  de la souffrance, de la pauvreté du peuple haïtien soit à jamais fermée et qu’à partir d’aujourd’hui la porte de la fidélité à Dieu, à sa parole,  et que la porte de la stratégie, de la connaissance, de l’intelligence, s’ouvre pour les haïtiens, les africains et tous ceux et celles qui sont des afro descandants. Que la porte de la réunification de l’homme et de la femme noire, pour des couples et des familles fortes,  et pour des modèles de familles éternelles pour nos enfants.  J’appelle l’esprit de Dieu sur tous les participants ».

 

Le Comble de  la bêtise humaine racontée par le conservateur de la Maison des esclaves de  Gorée 

Dans l’enceinte de la maison de Gorée, l’émotion a été tellement forte qu’une dame parmi les visiteurs a fini par piquer une crise.

Les visiteurs de la Maison de Gorée ont eu droit à un récit glaçant du Maitre des lieux M. Eloi Coly qui a pris le relai du défunt conservateur de la Maison, feu Boubacar Joseph Ndiaye. 

C’est un euphémisme de dire que l’esclavage est un crime contre l’humanité ! C’est bien pire que tout ce que l’on peut imaginer. C’est une  véritable abomination à entendre le maitre des lieux évoquer le passage des esclaves à Gorée. 

 

En raison de sa position géographiqueparticulièrement favorable pour servir de lieu de transit dans le commerce triangulaire des esclaves ; l’ile  du continent la plus proche des côtes atlantiques américaines, Gorée était l’objet d’une forte convoitise entre les nations européennes. Ainsi malgré l’existence d’autres esclaveries sur les côtes africaines comme l’ilede James Island en Gambie, et d’autres  lieux, en Luanda, au Congo, etc, Gorée était au centre des rivalités entre nations européennes  qui se seraient battues pour son occupation  pendant longtemps. Inscrite en 1975 sur l’inventaire des monuments historiques du Sénégal et en 1978 sur la liste du patrimoine mondial, Gorée est ainsi passée entre plusieurs mains  (portugaises,  hollandaises, anglaisespuis français) avant de finir  dans les mains des français qui l’ont conservé jusqu’à l’indépendance du Sénégal en 1960.  Cette maison des esclaves de Gorée, aurait été la dernière Maison des esclaves en date à Gorée. Elle aurait été construite entre 1780 et 1784selon M. Eloi Coly. La première remonterait à 1536, construite par les Portugais, premiers Européens à fouler le sol de l’île en 1444. Au rez-de-chaussée se trouvaient, les cellules (hommes, enfants, chambre de pesage, jeunes filles, inaptes temporaires). Dans celles réservées aux hommes, faisant chacune 2,60 m sur 2,60 m, on aurait mis jusqu’à 15 à 20 personnes, assis le dos contre le mur, des chaînes les maintenant au cou et aux bras. On ne les libérait qu’une fois par jour afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins. En dehors de cette permission,  ils étaient obligés de les satisfaire dans leurs cellules. Autant dire que les conditions  d’hygiène étaient insupportables. C’est le moins qu’on puisse dire ! En l’absence d’infirmerie et de médecin, des maladies comme la peste faisaient des ravages. Au cours de la traversée de l’Atlantique, ceux qui tombaient malades étaient tout simplement jetés en mer.  

« Plus jamais ça ! »

Les Amériques étaient leur principale destination.  Le pays de destination dépendait des besoins des acquéreurs, le père pouvait — par exemple — partir en Louisiane aux États-Unis, la mère au Brésil ou à Cuba et l’enfant à Haïti ou aux Antilles. Ils partaient de Gorée sous des numéros de matricule et jamais sous leurs noms africains.

La porte arrière de la Maison  qui  s’ouvre au milieu du couloir central sur la côte rocheuse est appelée « Porte du voyage sans retour », là où les esclaves, embarquaient pour une vie de souffrances dans le Nouveau Monde, quand ils ne mouraient pas en mer, encadrés par des gardiens armés au cas où ils auraient tenté de s’évader. Un large escalier à double flèche conduit à l’étage qui sert surtout aujourd’hui de salle d’exposition. Dépité devant tant de souffrances, M. Serigne Fall Gueye le Directeur du Grand théâtre national du Sénégal  n’a pu prononcer que trois mots dans sa prise de parole : « plus jamais ca ! »

La Maison des esclaves de Gorée  reçoit un cadeau en souvenir de  la révolte des esclaves en Haïti

 

Un totem représentant un Caïman réalisé par des artistes haïtiens  a été offert par Mme Perpetue Robert, haïtienne, à la maison des esclaves.  Il symbolise la liberté du peuple noir et le début de la lutte contre  l’esclavage en Haïti sous la conduite de Boukman, un personnage emblématique de l’histoire d’Haïti, qui a joué un rôle crucial dans la révolte des esclaves de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) en 1791. Boukman était un esclave à la plantation Clément à l’Acul-du-Nord, dans le nord de Saint-Domingue. Il était investi de pouvoirs religieux issus des cultes africains (vaudou), ce qui lui conférait une grande influence sur les populations asservies.Lors de la cérémonie de Bois-Caïman entre le 14 et le 21 août 1791, Boukman prononça le fameux serment qui scella la conspiration contre l’esclavage. Dans la nuit du 22 au 23 août 1791, il mena l’assaut contre la plantation Clément, tuant le propriétaire Clément mais épargnant son procureur. L’insurrection s’étendit rapidement à toute la Plaine du Nord d’Haïti, avec des milliers d’esclaves en armes.Cette révolte marqua le début de la Révolution haïtienne, qui aboutit à l’établissement d’Haïti comme première république noire indépendante en 1804

Recevant ce précieux cadeau des afro descendants, Mr Eloi Coly, le conservateur de la Maison des esclavages a remercié vivement les généreux donateurs et souligné l’importance que revêt ce symbole pour la Maison des esclaves de Gorée.  « Les symboles sont indestructibles. Ceux qui ont essayé de les détruire l’ont malheureusement appris à leur dépend. Ceux qui avaient essayé de détruire Boubacar Joseph Ndiaye, continuent tous de l’apprendre à leur dépend aujourd’hui », dixit Eloi Coly.

 Un passé hélas encore présent ‘’ MaitreSaid Larifou

Directement descendu de l’avion pour venir prendre part à l’évènement, l’avocat révolutionnaire et homme politique franco comorien Maitre Said Larifou a pris la parole pour alerter et appeler à plus de vigilance sur ce qu’il considère comme étant  l’esclavage des temps modernes : le traitement inhumain et dégradant infligé aux migrants africains dans les côtes méditerranéennes. Il a donné à cette visite à la Maison des esclaves de Gorée toute son actualité en dénonçant vigoureusement  cette nouvelle forme d’esclavage. Après avoir rappelé  les difficultés qu’avait connu l’Europe à s’approvisionner en homme parce qu’elleavait besoin de main d’œuvre qu’elle venait chercher en Afrique, Maitre Latifou a attiré l’attention sur le fait que cette histoire est encore tristement d’actualité.  « j’ai pris la parole pour dire qu’il faut pardonner, mais il faut être très très vigilant puisque ce passé est encore présent, et il est traumatisant. Je suis témoin en Europe des atrocités qui sont hélas d’actualité en Méditerranée ; Malheureusement, il y a  d’autres cas  en Afrique ; il suffit de voir les images particulièrement en Afrique du Nord  pour voir comment nos petits frères et nos petites sœurs sont embarqués dans des bateaux de fortune comme furent nos grands-parents pour aller dans d’autres lieux pour être exploités.  A l’instant où nous parlons, il y a nos petits frères et petites sœurs qui sont traités dans des zones en Afrique du Nord comme des sous-hommes. Et c’est pour cette raison qu’il faut effectivement pardonner, il faut effectivement se projeter dans l’avenir, mais il est extrêmement difficile de se projeter dans l’avenir si les êtres humains n’ont pas tiré les leçons de cette histoire traumatique. Donc soyons vigilants,  soyons  combatifs, mais réactifs puisque ce passé est hélas présent. »

Catherine une afro descendante vivant aux USA qui se dit être de sang nigérian  a remercié les organisateurs de l’évènement pour l’opportunité qui leur est donnée de venir constater de leurs propres yeux les pratiques honteuses, et affligeantes  qui avaient courtdans cette maison des esclaves. Autant de brimades et de mauvais traitement qui n’enlèvent  rien à sa fierté d’être afro descendante et qui doivent plutôt  inciter à être unis  africains et afro descendants comme un seul homme  pour ensemble se projeter de l’avant, et à être chevillés aux valeurs ancestrales communes pour briser toutes les constructions négatives sur les noirs. 

La Ville de Dakar a été représentée à Gorée par une forte délégation conduite par le Maire Adjoint Maoulouth Diakhaté chargé de la culture à la Ville de Dakar.  On distingue dans la  délégation le Directeur de la Culture et du tourisme de la Ville de Dakar M. Matar Diao, le conseiller culturel du Maire de la Ville de Dakar et la Directrice Générale du Fonds de solidarité et de développement municipal, Mme Aminata Diop Samb. 

M. Maoulouth Diakhaté a remercié l’initiatrice de cet évènement pour lequel la Ville de Dakar est devenue coorganisatrice après avoir été partenaire pendant les deux premières éditions.  Prenant à témoin le Directeur de la Culture et du Tourisme, il a donné des assurances à la promotrice de l’évènement Mme Rama Ata Diagne sur  l’engagement de la Ville de Dakar à accompagner cet évènement qui selon ses dires, « épouse parfaitement bien la vision du « Dakar bugnu bokk » de l’actuel Maire Barthélémy Dias, et s’inscrit en droite ligne dans l’ambitieux Programme de la Ville de Dakar dédié à la culture, à l’artisanat et au tourisme ». Il convient de rappeler que ce vaste Programme qui a été élaboré lors de la 2e Édition des Rencontres Internationales de la Culture,  de l’artisanat et du Tourisme « RICAT de Dakar2023 » avait associé les acteurs de ces différents domaines ainsi que les sommités du monde intellectuel, culturel et artistique dans sa conception avec pour objectif, de redonner à la Ville de Dakar tout son lustre d’antan de Ville vivante et vibrante, et de réaffirmer sa vocation de capitale culturelle, artistique et touristique de rang mondial. 

Par Bacary SEYDI

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