Il est impératif d’instaurer un débat dépassionné et collectif, plutôt que de transformer ce drame en une tribune politique où pouvoir et opposition cherchent à s’écraser mutuellement, tandis que les morts continuent de s’accumuler. La politisation de l’émigration clandestine détourne trop souvent l’attention des causes profondes et contribue à aggraver le problème. Il est essentiel de cesser de traiter ce phénomène comme une affaire de régime. Il s’agit d’un drame social qui engage la responsabilité de tous et qui mérite d’être analysé sous différents angles : familial, sociétal, culturel et spirituel.
Ce sont principalement de jeunes Sénégalais qui, en quête de réussite, prennent des risques extrêmes. Une pression considérable pèse sur des jeunes par des familles qui voient dans l’émigration une solution, voire un sacrifice indispensable pour échapper à la pauvreté.
Culturellement , l’idée que la réussite ne peut être obtenue que par l’émigration, même illégale, reste profondément enracinée dans l’imaginaire collectif. Cette perception mérite une analyse plus poussée, notamment en ce qui concerne l’influence des médias, des réseaux sociaux. Sans oublier l’influence des parcours de certains émigrés, l’exubérance de leur “lifestyle” lors de leur retour au bercail. Le message doit passer chez ceux-là qui sont aussi responsables que les passeurs par la vie de fausses prétentions qu’ils projettent chez les jeunes en manque de repères.
Il est également nécessaire de porter une attention particulière à la dimension spirituelle. Dans certains cas, des jeunes se tournent vers l’émigration par désespoir ou par perte de foi en l’avenir dans leur propre pays. Cela soulève des questions sur le rôle que peuvent jouer les guides religieux et les leaders communautaires dans l’accompagnement et la réorientation des aspirations de la jeunesse.
Il est donc important d’adopter une approche collective, dépolitisée, pour apporter des solutions durables. Cela inclut la révision des partenariats internationaux afin de mettre en place des mécanismes plus humains et plus sécurisés pour réguler les flux migratoires.
Astou Dione, journaliste