La question de la taille des gouvernements en Afrique suscite depuis longtemps des débats. La disproportion entre le nombre de ministres et la taille des économies ainsi que celle des populations soulèvent des interrogations légitimes. Certains pays africains ont compté un ministre pour 15 000 habitants, tandis que d’autres, comme l’Afrique du Sud et le Kenya, ont un ministre pour 2 millions d’habitants, voire davantage dans les pays plus développés, comme la Chine, où un ministre peut représenter jusqu’à 40 millions de personnes (certes, comparaison n’est pas raison !). Ce nombre élevé de ministres en Afrique est souvent attribué à la nécessité de répartir les postes entre les membres de coalitions politiques, ainsi qu’à un impératif d’inclusivité.
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire font parties des pays qui tourne autour d’un ministre pour 500 mille habitants. Au Sénégal, le nombre de ministres nommés sous la présidence de Macky Sall a toujours dépassé la trentaine, souvent approchant la quarantaine. Malgré la nécessité de garantir une représentation équitable en tenant compte de nos réalités socio-culturelles et économiques (souvent à travers une inclusion sur des bases religieuses, régionales, ethniques, et de genre), il semble y avoir une marge significative pour proposer un gouvernement plus resserré et donc plus efficace dans ses actions et dans la gestion des fonds publics. Bien que le Président Macky Sall ait fait des efforts pour réduire la taille de son dernier gouvernement par rapport aux précédents, on peut toujours identifier plusieurs ministères qui pourraient être fusionnés, ce qui contribuerait à une meilleure efficacité et une gestion plus efficiente des ressources publiques.
Former un Ministère des Transports Unifié, regroupant l’ensemble des modes de transport, représente une démarche stratégique pour optimiser les ressources et améliorer la coordination. Cette proposition implique la fusion de trois ministères clés :
• Le Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement
• Le Ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires
• Le Ministère des Pêches et de l’Économie maritime.
Concernant la pêche, en raison de son importance nationale, elle mérite un ministère distinct, étant donné que son intégration avec l’économie maritime n’a pas toujours contribué de manière optimale à son développement stratégique. On pourrait opter pour la création d’un ministère unique portant un secteur primaire fort : agriculture, élevage et prêche.
Il est essentiel de comprendre que pour développer de manière stratégique le secteur des transports, il est impératif de ne pas le fragmenter selon les modes de transport. Séparer l’aérien, le terrestre et le fluviomaritime pourrait apparaître comme peu judicieux. La division d’un ministère des transports en entités distinctes basées sur les modes de transport peut avoir des répercussions significatives, telles qu’une fragmentation des politiques, une duplication des efforts, un manque de coordination entre les différents modes de transport et une complexité administrative accrue. Cette fragmentation risque de compromettre l’efficacité et l’efficience du système de transport dans son ensemble, entraînant des politiques incohérentes, des retards dans la connectivité entre les réseaux de transport et des difficultés pour les parties prenantes externes à collaborer efficacement avec les autorités gouvernementales.
Lors d’une récente mission avec ENABEL, j’ai eu l’opportunité de participer à l’élaboration de la stratégie nationale portuaire du Sénégal. Durant cette mission, notre équipe a vite réalisé qu’il était difficile de développer de manière stratégique le secteur portuaire sans prendre en considération les corridors ferroviaires et terrestres vers l’arrière-pays. Cette composante est essentielle pour positionner le Sénégal en tant que hub logistique, portuaire et industriel dans la sous-région.
Par ailleurs, il convient de mettre en lumière le fait que le Sénégal n’a pas encore élaboré de stratégie intégrée pour les infrastructures de transport multimodal, contrairement à plusieurs de ses homologues dans la sous-région. Malgré mes multiples suggestions en ce sens, cette initiative n’a malheureusement pas rencontré un niveau d’intérêt satisfaisant de la part des autorités compétentes.
Lorsque l’on aborde la question des transports, la perspective de la multimodalité et de l’intermodalité est primordiale. La pertinence d’un ministère des transports unique, plutôt que sa division en trois ministères distincts selon les modes de transport (fluvio-maritime, aérien et terrestre), repose sur plusieurs facteurs clés :
1. Coordination et intégration : Un ministère des transports unique facilite la coordination et l’intégration des politiques, des infrastructures et des réglementations dans l’ensemble du secteur des transports. Cela permet d’éviter les silos et les redondances, favorisant ainsi une approche plus holistique et cohérente du développement des transports.
2. Intermodalité : De nombreux projets et initiatives dans le domaine des transports impliquent l’utilisation de plusieurs modes de transport (par exemple, le transport intermodal entre le transport aérien, le transport terrestre et le transport ferroviaire). Un ministère des transports unique est mieux placé pour promouvoir et faciliter cette intermodalité, ce qui peut conduire à une meilleure efficacité et à une optimisation des ressources.
3. Gestion des ressources : Un ministère des transports unique permet une meilleure gestion des ressources humaines, financières et matérielles. Il évite la duplication des fonctions administratives et des dépenses liées à la mise en place et au fonctionnement de plusieurs ministères distincts.
4. Vision globale : Un ministère des transports unique peut élaborer et mettre en œuvre une vision globale à long terme pour le secteur des transports, en prenant en compte les tendances émergentes, les défis environnementaux, les besoins des citoyens et les impératifs économiques. Cette approche favorise une planification stratégique cohérente et une prise de décision éclairée.
Il est pertinent de souligner que de nombreux pays ont opté pour la consolidation de tous les modes de transport au sein d’un seul ministère, dans le but de favoriser une coordination plus efficace, une planification intégrée des infrastructures et une régulation cohérente du secteur des transports, ce qui contribue au soutien du développement économique et social. Par exemple, le Nigeria a choisi de regrouper le transport terrestre, maritime et l’économie maritime sous un même ministère fédéral. De même, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana et l’Égypte ont tous regroupé les différents modes de transport au sein d’un même ministère. Cette approche est également adoptée par plusieurs pays développés, dont le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et l’Allemagne.
En résumé, un ministère des transports unique offre une approche plus intégrée, coordonnée et efficace du développement des transports, ce qui peut contribuer à une meilleure connectivité, à une croissance économique durable et à une mobilité accrue pour les citoyens.
En tant que conseiller stratégique en développement des infrastructures, j’ai souvent préconisé cette mesure dans la sous-région, notamment au Sénégal, sans pour autant voir sa concrétisation. Avec les nouvelles autorités qui mettent la rationalisation au cœur de leurs priorités, je plaide ardemment pour une rationalisation des postes ministériels au Sénégal, en particulier dans le secteur des transports, afin d’adopter une approche plus stratégique pour ce secteur clé du développement économique et social du pays.
Une des priorités essentielles de ce ministère des transports unifié serait de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie intégrée des infrastructures de transport multimodal pour le Sénégal.
L’annonce imminente du premier gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye revêt une importance capitale, car elle est susceptible de raviver davantage l’espoir au sein d’un peuple qui a résolument choisi le changement et la rupture. Je formule le vœu que les aspirations exprimées dans cet article se réalisent au sein de ce premier gouvernement, traduisant ainsi la volonté de rationalisation et d’amélioration de l’efficacité de l’action gouvernementale.
Mamoudou Bocoum
Ingénieur Polytechnicien
Expert en stratégie de développement et de financement des infrastructures
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