Un panel de haut niveau a réuni des universitaires, des acteurs culturels, des créateurs et des autorités municipales de la Ville de Dakar) autour du thème « Le Design dans les secteurs du Tourisme et de l’artisanat de la Grappe TICAE : actualités et défis ? ». Ce Panel a été organisé lors du forum scientifique de la deuxième édition des Rencontres internationales de la culture de l’artisanat et du tourisme (RICAT 2023) qui se sont tenues à Dakar du 01 au 05 novembre.
Ce panel dont le thème est une des déclinaisons de la thématique centrale du forum scientifique des RICAT « quelle offre Dakar peut-elle proposer au marché local et international et quelles sont les interrelations sectorielles de mise en marché ? », a été animé par le professeur Mohamadou Lamine Bara Samb, enseignant chercheur à l’Université Iba Der Thiam de Thiès et trésorier général du RESUTS (Réseau des Universitaires du Tourisme au Sénégal) et par l’enseignant chercheur à l’Université de Thiès, Docteur en tourisme, Pape Elimane Faye. Les travaux du Panel ont été modérés par Madame Aminata Diop Samb, Directrice Générale du Fonds de Développement et de solidarité Municipal de la Ville de Dakar (FODEM).
C’était en présence de l’adjoint au Maire de la Ville de Dakar Mme Mamy Ahoue Dieng Lo, en charge de l’Economie sociale et solidaire, du personnel du FODEM, des délégations étrangères invitées aux RICAT, des représentants d’associations culturelles DE Dakar et de la Diaspora, des représentants de corps de métiers de l’artisanat, des designer et créateurs entre autres participants.
Mme Aminata Diop Samb la modératrice du panel a campé le débat sur le thème en rappelant d’abord le rôle crucial du Design dans les secteurs économiques de l’art, de la culture, de l’artisanat, et du tourisme et de la nécessaire interaction entre ces secteurs. Le design apparait aujourd’hui de plus en plus important à cause de l’exigence d’amélioration continue de l’expérience client. Un touriste qui vient à deux reprises à Dakar, si on ne lui propose pas une offre diversifiée, une offrecréative qui lui donne une expérience mémorable, et unique, il y a fort à parier que ce touriste hésiterait par deux fois avant de revenir. Or il est établi que ça manque de créativité et d’innovation dans ce qui est proposé aux touristes par le marché local quoique certains acteurs professionnels s’en défendent. Le fait est que quasiment ce sont les mêmes produits artisanaux qu’on retrouve à Soumbédioune, à Kermel, au Lac Rose qu’à Gorée. Il y a là un travail à faire assurément dans le domaine du design de nos produitsartisanaux et culturels.
L’autre actualité de la grappe TICAE (Tourisme, Industries culturelles, Artisanat, et Environnement) ; c’est l’impact du digital et de la numérisation. Aujourd’hui, les industries culturelles et créatives, le marché de l’art et du tourisme sont fortement transformés par le digital. Cela implique une nécessaire mise à niveau des acteurs professionnels de cessecteurs notamment dans le domaine de la promotion commerciale et du marketing de leurs offres.
Enfin, la troisième actualité a trait à l’importance d’adopter une approche grappe, autrement dit, une approche filière qui permet d’inscrire les activités dans la performance et dans la durabilité tout en permettant de créer des synergies et une mutualisation des moyens des différents acteurs qui travaillent dans la grappe.
A en croire Madame la Directrice du FODEM, malgré le potentiel de « mise en tourisme » de la destination de Dakar,de nombreux défis liés au Design méritent d’être relevés pour permettre aux acteurs de l’artisanat, de la culture, du tourisme et aux populations de profiter de ce potentiel. L’heure est venue de s’adapter au design numérique, de rechercher des expériences personnalisées, uniques et adaptées à la concurrence en matière d’offre à la clientèle locale et internationale.
C’est donc essentiel de se poser les bonnes questions et de trouver les bonnes réponses. Comment faire que les artistes soient plus créatifs et ne proposent pas les mêmes choses ? Quel est l’état actuel de la digitalisation de nos offres de produits, comment manager cette digitalisation ? Pour quelle finalité ? Quel processus, quels outils ? Comment renforcer la digitalisation entre la Ville et les acteurs professionnels ?
Le Design pour quoi faire ?
Le professeur Mohamadou Lamine Bara Samb a montré le rôle crucial du Design dans le développement de la Grappe TICAE et son importance pour la réussite du projet des autorités municipales de mener Dakar vers un avenir prospère et culturellement riche.
Le Pr Samb a d’emblée expliqué que le Design sert à améliorer l’esthétique et la présentation des produits ce qui permet de les vendre plus facilement. Il améliore l’attractivité et le marketing de ces produits. Il a ajouté que le Design joue un rôle crucial dans l’évolution de la grappe TICAE en ce qu’il améliore l’expérience client.
Il est apparu dans ses développements que les tendances actuelles montrent un lien fort entre le design et le tourisme avec en toile de fonds, l’idée de créer des expériences inoubliables. Le tourisme a en effet beaucoup évolué avec une recherche par les touristes « d’expériences authentiques et personnalisées ». On voit bien le rôle du design dans la construction des hôtels et la création de destinations touristiques avec par exemple, le développement de l’écotourisme.
Parlant de design, le professeur Samb a relevé deux défis majeurs. Le premier défi a trait à la durabilité devenue une préoccupation croissante d’où l’importance d’un ‘’design durable’’ qui a un impact environnemental important.
Le Design est en effet à penser en rapport avec l’environnement pour arriver à la durabilité et satisfaire le besoin de transmission du patrimoine aux générations futures. C’est depuis la conception des bâtiments qu’il faut donc penser préservation du patrimoine et innover en créant des ‘’espaces de performance’’.
Le deuxième défi, c’est le défi technologique qui fait référence au ‘’design numérique’’. L’intégration du numérique et du digital dans toutes les activités humaines est un processus irréversible et une réalité incontournable à laquelle il faut s’adapter. L’intelligence artificielle donne la possibilité d’avoir une ‘’réalité augmentée, une réalité améliorée’’. Elle permet d’améliorer ‘’l’expérience visiteur’’ en donnant une authenticité et une valeur locale. L’authenticité culturelle est devenue une denrée rare très prisée par des touristes de plus en plus informés, de plus en plus connectés à la recherche d’expériences uniques, et mémorables.
Selon le Professeur Samb, ‘’le Design numérique’’ offre d’énormes possibilités à l’artisanat d’art parmi lesquels, la possibilité d’exposer virtuellement les produits. En plus, le numérique a cette capacité à rendre attractif l’artisanat traditionnel, et de préserver le savoir-faire ancestral.
En définitive, le design est un outil clé qui permet de s’adapter aux nouvelles tendances notamment dans les secteurs comme le tourisme et les industries culturelles.
De nombreux problèmes à résoudre !
Les discussions du panel ont permis aux créateurs, artistes,artisans et acteurs culturels d’exposer leurs difficultés et d’exprimer leurs besoins d’accompagnement. Ces discussions de très haute facture ont montré toute la complexité liée au design autant dans sa définition que dans son contenu.
Elles ont surtout montré que le faible effort de créativité et d’innovation constaté est principalement dû à un problème économique de survie des acteurs qui plombe le développement culturel. Ce problème lui-même résulte d’un manque de formation des acteurs, un manque de formalisationet de structuration des unités, un déficit d’encadrement et de financement avec comme conséquence, des difficultés de commercialisation des produits.
Ceci est confirmé par de nombreux acteurs. Les cordonniers ont réclamé l’acquisition de machines et d’équipementsmodernes pour augmenter leur échelle de production et valoriser leur savoir-faire. Pour s’approprier de notre identité culturelle, les acteurs de l’artisanat d’art (les designers, artistes plasticiens, stylistes et créateurs …) ont exprimé des besoins de formation et de renforcement de capacités dans les domaines du marketing digital, du marketing-vente, et de disposer d’un site internet.
Les acteurs de la culture urbaine, les rappeurs ont du mal à exporter leurs productions du fait du mimétisme des rappeurs étrangers selon Bill Diakhou, un rappeur, pour qui il faut plutôt s’approprier ce que l’on a dans tous les domaines y compris nos habits et nos habitats. Il y a un enjeu économiqueimportant de la consommation locale.
L’identité patrimoniale pose problème à Dakar comme à Praiaselon George Garcia conseiller culturel à la Ville de Praia pour qui la question qui mérite d’être posée, c’est celle-ci : avons-nous une identité patrimoniale qui diffère de ce que l’on a hérité du colon ? Avons-nous un design africain ? Si oui, comment préserver cette identité ? Au Cap-Vert les numéros et noms des rues sont en cours de destruction.
A Dakar, on retient qu’il n’y a pas d’identité culturelle spécifique à part l’ile de Ngor et l’ile de Gorée. Des réflexions plus poussées devront définir les contours à donner à l’identité culturelle de la Ville de Dakar dans une perspective politique de promotion touristique et culturelleappropriée, qui crée de la valeur ajoutée, des emplois durables et rémunérateurs pour les acteurs professionnels de Dakar ?
Par Bacary SEYDI
