Avec ses 1,3 milliard d’habitants et ses 54 États, l’Afrique reste largement sous-représentée dans les instances internationales. Malgré un constat ancien et partagé, peu de choses ont changé : le continent ne détient encore que trois sièges non permanents au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce déséquilibre ne concerne pas que l’Afrique : l’ensemble des Suds réclame une gouvernance mondiale plus équitable, à la hauteur de leur poids démographique et économique. Ces derniers mois, la revendication d’un siège permanent pour l’Afrique au Conseil de sécurité est devenue un symbole fort. En 2025, plusieurs élections pourraient amorcer un tournant. Le monde du sport, lui, a déjà ouvert la voie, avec l’élection historique de Kirsty Coventry à la tête du CIO première femme, première Africaine à ce poste.
Une autre échéance majeure se profile cette année : l’élection du prochain directeur général de l’UNESCO prévue en novembre. À la croisée des enjeux d’éducation, de culture, de science et de paix, l’organisation devra faire face à des attentes fortes dans un contexte de fragmentation géopolitique. Trois candidats issus des Suds sont en lice pour le mandat 2025-2029 : Khaled El-Enany, ancien ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités ; Gabriela Ramos, actuelle sous-directrice générale de l’UNESCO chargée des sciences sociales et humaines ; et Firmin Edouard Matoko, sous-directeur général en charge de la priorité Afrique et des relations extérieures à l’UNESCO.
Khaled El-Enany a reçu le soutien de l’Union africaine.
La candidature de Khaled El-Enany a reçu le soutien de l’Union africaine en février 2024, puis réaffirmé en juillet lors du sommet d’Accra ainsi que celui de la Ligue des États arabes, en mai de la même année. Ancien ministre et universitaire, il s’inscrit dans une dynamique de coopération Sud-Sud de plus en plus visible ces dernières années, notamment entre les monarchies du Golfe et plusieurs États africains autour de projets éducatifs, culturels ou patrimoniaux. Sa candidature pourrait accompagner cette tendance, avec la volonté de faire de l’UNESCO une plateforme active pour structurer et valoriser ces échanges. Elle pourrait également marquer une rupture symbolique : Khaled El-Enany serait le premier directeur général issu du monde arabe, et seulement le deuxième Africain à occuper ce poste en près de quatre-vingts ans. Il porte un projet de gouvernance multilatérale qu’il souhaite plus ouverte, pragmatique et ancrée dans les réalités du terrain.
Firmin Edouard Matoko est présenté par la République du Congo.
Cependant, cette dynamique de coalition n’a pas résisté aux logiques nationales. Si le Gabon a choisi de se retirer pour éviter la dispersion des voix africaines en faveur de l’Egypte, la République du Congo a finalement présenté la candidature de Firmin Edouard Matoko malgré un soutien formellement exprimé au candidat égyptien dans un communiqué daté du 5 mars. Haut fonctionnaire de l’UNESCO depuis près de trois décennies, Matoko incarne une forme de continuité institutionnelle, mais sa candidature soulève la question d’un positionnement commun du continent.
Au-delà de sa double identité africaine et arabe, Khaled El-Enany apparaît aussi comme celui qui peut incarner le dialogue entre le Nord et le Sud. Une capacité qui s’est manifestée par les soutiens venus de plusieurs capitales européennes, dont Paris et Madrid.
Gabriela Ramos, mexicaine, ancienne de l’OCDE est spécialiste de l’intelligence artificielle.
Face à eux, Gabriela Ramos, ancienne de l’OCDE et spécialiste de l’intelligence artificielle, porte une approche ancrée dans les grands enjeux de régulation technologique. Chacun des trois candidats reflète une sensibilité différente de ce que pourrait être le rôle de l’UNESCO demain. Au Conseil exécutif de trancher : quel profil sera le mieux à même de répondre aux défis d’un monde fragmenté, où la capacité d’écoute, le lien avec les réalités de terrain et la volonté de transformation pèseront sans doute plus que les discours de principe ?