Dans le paysage politique et administratif actuel du Sénégal, la culture, pilier fondamental de notre identité nationale, semble reléguée au second plan. Cette marginalisation, fruit d’un déséquilibre criard dans l’organisation gouvernementale du nouveau régime, interpelle sur l’importance accordée à ce domaine clé, souvent amalgamé à d’autres secteurs dans des portefeuilles ministériels « fourre-tout ».
Aujourd’hui, le Sénégal fait face à une problématique structurelle dans la gestion de ses départements ministériels. Le chevauchement des rôles, la surcharge de certaines attributions et le manque de visibilité caractérisent un gouvernement déséquilibré, où plusieurs secteurs stratégiques peinent à trouver leur place. Parmi ces domaines, la culture souffre particulièrement.
En l’associant au ministère de la Jeunesse et des Sports, le gouvernement dilue son importance et entrave son développement. Ce choix, qualifié d’irréfléchi par de nombreux observateurs, reflète une orientation qui ne valorise pas suffisamment la richesse et la diversité de notre patrimoine culturel.
Pourtant, la culture est bien plus qu’un simple attribut identitaire. Elle est un vecteur d’unité, un levier de développement économique et social, et un outil puissant de diplomatie. En minimisant son rôle, les gouvernants ignorent son potentiel à fédérer les Sénégalais autour de valeurs communes, à promouvoir la paix et à renforcer la cohésion sociale.
Une réorganisation s’impose
Il est impératif de dissocier la culture de la jeunesse et des sports. Si la jeunesse représente la cheville ouvrière du pays et le sport, une source de galvanisation nationale, la culture doit être érigée en priorité autonome, avec un ministère plein qui lui serait exclusivement dédié. Ce ministère aurait pour mission de mettre en lumière notre patrimoine, de soutenir les artistes, et de promouvoir la diversité culturelle au Sénégal et à l’international.
Le débat mérite d’être posé. Comment un pays qui se veut émergent peut-il négliger un domaine aussi structurant que la culture?
Les nouveaux tenants du pouvoir doivent prendre conscience de l’urgence de cette réforme. Il ne s’agit pas, seulement, de corriger une erreur administrative, mais, de réaffirmer une vision, une ambition pour un Sénégal où la culture occupe la place qu’elle mérite : celle d’un moteur de progrès et d’un facteur d’unité nationale.
Il est temps, aussi, que nos décideurs reconnaissent cette évidence. La culture n’est pas un luxe, mais, une nécessité. Et pour cela, elle doit cesser d’être le parent pauvre de nos orientations politiques. Le Sénégal, riche de sa diversité et de son histoire, en sortirait grandi.
Pour une gouvernance éclairée
Le moins que l’on puisse dire est qu’il faut dissocier culture, jeunesse et sport pour un développement harmonieux.
Léopold Sédar Senghor, père de la nation sénégalaise et apôtre de la Négritude, rappelait avec justesse que « la culture est au début et à la fin de tout développement ». À travers cette pensée, il soulignait le rôle primordial de la culture dans la construction d’une nation forte et prospère. Il ajoutait également que « la culture est ce qui reste quand on a tout perdu », affirmant ainsi son caractère pérenne et fondamental face aux vicissitudes du temps.
Cependant, au Sénégal, la culture semble aujourd’hui, noyée dans un ensemble hétéroclite de responsabilités ministérielles où elle partage la scène avec la jeunesse et les sports. Une telle structuration interpelle. Comment peut-on amalgamer trois domaines si distincts, chacun porteur de défis spécifiques et essentiels à notre société, sous une même entité administrative ?
La jeunesse : une priorité stratégique
La jeunesse représente l’épine dorsale de notre société, un levier démographique et économique majeur. Dans le contexte politique actuel, elle constitue aussi le principal soutien des régimes émergents, à l’instar de celui du Pastef, qui a su capitaliser sur les aspirations des jeunes pour asseoir sa popularité. Gérer cette catégorie d’âge exige une vision claire et un dispositif ciblé, car les attentes des jeunes sont multiples : éducation, emploi, formation, et participation citoyenne.
Le sport : unificateur social et vecteur d’énergie
Le sport, quant à lui, joue un rôle crucial dans la cohésion sociale. Il transcende les divisions sociales et régionales, galvanisant la population et renforçant le sentiment d’appartenance nationale. Le football, la lutte, l’athlétisme, le basket et d’autres disciplines drainent des foules et génèrent une énergie collective dont le pays a besoin pour rester debout face aux défis contemporains. En attestent les foules drainées pendant les combats de lutte ou pendant les moments de gloire des équipes nationales de football ou de basket.
Tous les sénégalais de tous bords jubilent, se tapotent, se félicitent, montrant une humeur aux sensations communes.
Une culture marginalisée et une reforme nécessaire
Et pourtant, au milieu de ces priorités, la culture est reléguée à un rôle secondaire. En la plaçant dans un ministère « fourre-tout », les décideurs oublient qu’elle est la pierre angulaire de notre identité, le ciment de notre unité. La culture n’est pas une simple distraction ou un luxe. Elle est le reflet de notre âme collective, le socle sur lequel repose tout développement durable.
Il est temps de reconsidérer cette approche confuse et inefficace. La jeunesse, le sport, et la culture méritent chacun un ministère plein, doté de moyens adéquats et d’une feuille de route ambitieuse.
Pour la jeunesse, il faut un ministère dédié à l’emploi, à la formation et à la promotion de l’entrepreneuriat.
Pour le sport, un ministère qui valorise les talents, améliore les infrastructures, et renforce le rôle du sport dans la diplomatie.
Pour la culture, il faut un ministère qui préserve notre patrimoine, soutient les artistes, et promeut l’image du Sénégal sur la scène internationale.
Le Sénégal de demain ne peut se construire sur des bases aussi fragiles que celles d’une gouvernance déséquilibrée. Il est urgent de dissocier ces départements pour leur donner la visibilité et l’efficacité qu’ils méritent. Ce n’est qu’en réaffirmant la primauté de la culture, en mobilisant la jeunesse, et en galvanisant la population à travers le sport que nous pourrons bâtir une nation forte et solidaire, à l’image des idéaux portés par des penseurs comme Léopold Sedar Senghor.
La culture doit être au centre de nos priorités, car comme le disait Senghor, « le développement ne peut être qu’humain, et l’humain commence par la culture ».
Babou Biram Faye