Ce 06 janvier 2025, le Président français Emmanuel Macron, dans le sillage de ses ancêtres, s’ajoute à la longue liste des dirigeants de son pays qui ont, à travers l’histoire, manqué de respect à notre cher continent et à ses fils. Ses propos irresponsables à l’endroit de notre continent et de ses dirigeants montrent à souhait que la France, incarnée par cet homme, a été, est et restera amnésique. Cette France qui, sous le feu ardent des bombes allemandes lors des deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945) et face aux attaques meurtrières de la résistance indochinoise (1946-1954), avait appelé l’Afrique à son secours, se distingue encore par son irrespect et son manque de reconnaissance.
Monsieur Macron a-t-il oublié que pendant plus de trois siècles, ses arrières grands parents avaient pris une part active à la déportation, dans des conditions inhumaines, des millions d’Africains en Amérique et dans les îles de l’océan Indien ? Une véritable curée. Monsieur Macron a-t-il oublié que c’est la France qui avait massacré des tirailleurs sans armes au bout du petit matin du 1er décembre 1944 en lieu et place de leurs primes de démobilisation ? Monsieur Macron a-t-il oublié que c’est la France qui avait cautionné nombre d’actions de déstabilisations de pays africains ? Monsieur Macron a-t-il oublié que c’est la France qui avait commandité, à partir de janvier 1899 la scandaleuse mission Voulet et Chanoine qui se caractérisa par des actes d’une barbarie inouïe au Tchad ?
Monsieur Macron a-t-il oublié que des Français sont à l’origine des pires atrocités contre nos héros résistants, tuant les uns, déportant les autres, divisant leurs familles ? Monsieur Macron a-t-il oublié que ce sont les Français qui massacrèrent de nombreux civils et figures anticolonialistes camerounaises dont Ruben Um Nyobè, assassiné et trainé de village en village le 13 septembre 1958 alors qu’il avait comme seul tort d’avoir réclamé l’indépendance pour son pays ? Monsieur Macron a-t-il oublié que c’est son pays, la France qui avait maté dans le sang la résistance malgache notamment le 29 mars 1947 et 5 mai 1947 (des résistants sont mis dans des wagons et fusillés ou sont laissés jusqu’à ce qu’ils meurent de faim, près de 89 000 morts) ? Monsieur Macron a-t-il oublié que la France a spolié au minimum 90 000 pièces originaires d’Afrique subsaharienne qui font partie des collections de ses musées ?
Monsieur Macron a-t-il oublié que la France, après avoir razzié ses hommes plus valides, a pillé les ressources économiques du continent africain? Monsieur Macron a-t-il oublié que si la France existe jusqu’à ce jour en tant que république libre, c’est parce que des Africains ont versé leur sang en bravant le froid mortel et en endiguant les assauts de leurs adversaires ? Monsieur Macron a-t-il oublié que si la France s’est imposée dans beaucoup de disciplines sportives dans le monde et en Europe c’est grâce à la sueur de fils de ces Africains qu’il insulte ? L’unique Ligue des Champions de la France c’est grâce à un but d’un franco-ivoirien (Basile Boli, 1993). L’unique Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe remportée par la France c’est grâce au but d’un franco-camerounais (Bruno Ngotty, 1996). N’a-t-on pas surnommé la France « équipe africaine » après ses triomphes en coupe du monde en 1998 et 2018 au regard de la pléthore de joueurs d’origine africaine de la sélection ? Que dire d’Eunice Barber, de Yannick Noah, de Nicolas Batum, de Clarisse Agbégnénou, de Romane Dicko, de Joan Benjamin Gaba ?
La liste des interrogations à adresser à Macron n’est pas exhaustive. Les propos de Monsieur Macron ne surprennent pas car, un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, avait déjà, le 27 juillet 2007, insulté les Africains. Ses propos résonnent encore sur les murs de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. » Macron a remué le couteau dans une plaie qui prendra du temps à se cicatriser. De notre part, nous les Africains qu’il veut traîner dans la boue, la réponse du berger à la bergère ne devrait pas attendre et n’a pas attendu.
Il est heureux de noter la réaction rapide de nos dirigeants africains pour remettre ce président indélicat à sa place. Le premier Ministre du Sénégal Ousmane Sonko a bien fait de « rappeler au Président Macron que si les soldats africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, allemande. » Il constate avec raison que « la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. » Dans la foulée, le Tchad répond sèchement au président Macron en exprimant sa « vive préoccupation », en l’appelant à « apprendre à respecter le peuple africain et reconnaître la valeur de ses sacrifices » et en rappelant que le Tchad « aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome, acquis au prix de sacrifices inestimables. »
Chassez le naturel, il revient au galop. Vive l’Afrique libre, souveraine et prospère ! La France nous a assez déshonorés. Trop c’est trop ! Ça suffit !
Mamadou Moustapha Fall, Professeur
