« La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n’est aux faits eux- mêmes, parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d’être » Henri Poincaré.
C’est dans cet esprit que je donne mon opinion en tant que citoyen libre sur les “injustices” subies par l’ancien Premier ministre, Amadou Ba, candidat de l’Alliance pour la République (APR) et de la coalition “Benno Bokk Yaakaar” (mouvance présidentielle).
Monsieur Amadou BA : “Gacce Ngalaama”
En tant que candidat désigné de l’Alliance pour la République (APR) et de la coalition “Benno Bokk Yaakaar” (mouvance présidentielle), vous aviez fait face à plusieurs défis internes au sein de votre propre camp politique.
En effet, les hésitations et les retards qui ont entouré votre désignation en tant que candidat de la coalition ont laissé des traces. Il en est de même de la décision du président SALL de reporter les élections, du retard dans la mise en place de votre logistique de campagne, de l’interruption de votre tournée en pleine campagne entre autres. Ces moments d’incertitude ont suscité des interrogations légitimes. Ces éléments, pris ensemble, ont contribué à alimenter les doutes sur la loyauté et le soutien véritable de votre mentor politique.
Entre autres paramètres, les sept (7) éléments factuels suivants, ont contribué, à mon sens, à la « défaite » de la coalition que vous dirigiez aux dernières élections présidentielles :
- Hésitations dans votre désignation comme candidat de la coalition “Benno Bokk Yaakaar” et retards dans le lancement de votre campagne :
Votre désignation comme candidat de la coalition au pouvoir a été marquée par des hésitations prolongées et a tardé à intervenir. Mais avant même ce choix fatidique, votre ligne de démarcation était déjà claire, car on se souvient tous de cette magnifique formule qui vous caractérise : « Sa kilifa da nga kay bayé sa bop té bayé ko ak bopam », que vous teniez de Serigne Mountakha MBACKÉ, un guide éclairé et totalement désintéressé. Cela résume parfaitement votre démarche et votre loyauté vis-à-vis de votre mentor politique, Macky SALL en l’occurrence. Sur ce point concernant votre désignation au détriment de vos concurrents, on pourrait peut-être accorder le bénéfice du doute au président SALL, car l’avenir lui a donné raison quand on voit toutes les tensions qui ont suivi en interne, le quiproquo sans précèdent et la division dont votre coalition a fait l’objet à la suite de l’annonce du choix porté sur votre personne, par la commission dirigée par Moustapha NIASSE.
Il a par la suite pu être constaté un retard significatif dans le lancement officiel de votre campagne, retard en revanche que rien ne justifie vraisemblablement. Cette décision tardive a pu être perçue comme un manque de soutien clair et effectif de ce même mentor politique, et a affaibli votre position dès le départ. - La décision du président SALL de reporter les élections, après une décision unanimement saluée de ne pas briguer un 3ème mandat a fait de vous une victime par ricochet :
Lorsque le président Macky Sall avait renoncé à briguer un troisième mandat, lors de son discours à la nation du 03/07/2023, il avait effectivement gagné un important capital sympathie, tant sur la scène nationale qu’internationale. Cette décision avait été perçue comme un exemple de leadership responsable en Afrique, où les tentatives de modification des constitutions pour rester au pouvoir sont souvent critiquées. Cependant, en décidant par la suite, par décret, de reporter l’élection présidentielle du 25 février 2024 (décret 2024-106 du 3 février 2024, abrogeant le décret 2023-2283 du 29 novembre 2023, portant convocation du corps électoral), le président Macky Sall avait perdu une partie de ce capital sympathie. Cette volonté affichée de reporter les élections, sans indication de date précise par ailleurs et avec des arguments de report peu convainquants (la date avait été fixée par la suite à l’issue du dialogue national, puis rejetée par le conseil constitutionnel qui lui avait imposé le respect du calendrier républicain fixé au 24/03/2024, pour une passation de pouvoirs au 02/04/2024), avait non seulement terni l’image de Macky Sall, mais aussi affaibli, par ricochet, votre légitimité et nui à votre crédibilité auprès de l’électorat. Ce report avait été interprété par certains comme une manœuvre politique dont vous seriez, en tant que candidat de la mouvance présidentielle, le principal bénéficiaire. Du coup, vous êtes devenu, malgré vous, la cible principale des critiques associées au report. Certains électeurs y voyaient déjà un signe d’incertitude ou de faiblesse. - Ce report s’il avait été entériné par le Conseil constitutionnel, aurait pu avoir d’autres répercussions sur votre candidature : nécessité de prolonger l’effort de campagne et de maintenir l’élan de campagne sur une période plus longue et plus coûteuse, donc plus difficile à gérer.
Malgré cela, vous avez choisi le chemin de la loyauté, même lorsque les circonstances auraient pu vous pousser à prendre une direction autre, car rappelons-le, en ce moment précis de la décision du président SALL de reporter les élections, certains préconisaient de manifester votre désaccord auprès du président quant au non-respect du calendrier républicain, de claquer la porte et de « faire cavalier seul». Effectivement, vous auriez pu « faire cavalier seul» en ce moment décisif et laisser la coalition dans le désarroi, avec une contrainte majeure de devoir se réorganiser et designer un nouveau candidat en un temps record, avec toutes les incertitudes inhérentes à une telle aventure. Mais ce choix de rester, bien qu’il ait pu être perçu comme risqué par certains, montre une véritable force de caractère et une profonde intégrité. D’ailleurs, cette loyauté se trouve parfaitement corroborée par l’une de vos formules, devenue célèbre : « Je ne connais pas de loyauté de circonstances ou à géométrie variable ».
Un soutien certes existant, mais ambiguë de votre mentor :
Votre mentor, qui aurait dû être votre principal soutien, n’est jamais descendu sur le terrain. Il a été accusé de faire preuve d’ambiguïté et de calculs politiques jusqu’à la dernière minute. Ce soutien timide a semé des doutes sur la loyauté de certains de vos alliés et n’a pas rendu facile votre campagne.
Dans un contexte où les calculs politiques ont laissé planer des doutes sur le soutien effectif et total de votre mentor, vous avez décidé de rester fidèle à vos engagements et à vos principes.
Interruption de la tournée de campagne (l’étape de Tivaouane) :
En pleine campagne, vous aviez dû interrompre votre tournée sans explication publique claire, ce qui a suscité des spéculations sur des pressions internes ou des manœuvres visant à affaiblir votre dynamique. Vous avez maintenu le cap malgré les incertitudes et les critiques.
Défaillances dans la mise a disposition de votre logistique de campagne :
Le retard dans la mise en place de la logistique de votre campagne a été un autre coup dur, limitant votre efficacité sur le terrain et votre impact auprès des électeurs, ce qui a pu être interprété comme un sabotage de vos efforts. Personnellement, je connais beaucoup de responsables politiques de votre coalition qui se plaignaient d’une mise à disposition tardive du matériel de campagne et qui, jusqu’à la dernière minute, n’avaient pas la certitude de s’il fallait battre campagne ou pas.
Galvanisation de l’électorat adverse par la libération des figures de l’opposition et impact sur votre candidature :
La libération de figures de l’opposition comme Bassirou Diomaye FAYE et Ousmane SONKO, n°1 et n°2 de la coalition adverse, à 10 jours des élections, a eu un impact retentissant sur votre candidature et a incontestablement influencé la dynamique électorale. Il aura donc fallu réorienter votre stratégie de campagne pour répondre à cette nouvelle dynamique. - La libération de beaucoup de détenus qualifiés de détenus politiques, dont tout portait à croire qu’ils allaient, pour l’essentiel, voter pour le candidat de la coalition adverse, et celle de ses leaders, perçues comme un compromis, a eu pour effet de revitaliser l’électorat du camp adverse, entraînant ainsi une mobilisation accrue des partisans de SONKO et Diomaye et rendant la compétition électorale encore plus serrée et réduisant considérablement vos chances de susciter l’adhésion des électeurs indécis.
Dans l’hypothèse où le fameux “Protocole de Cap-Manuel” existe, l’avenir nous édifiera, nous sénégalais, sur ses tenants et ses aboutissements.
Trahisons au sein de votre propre coalition :
Des membres influents de votre coalition auraient manqué à leur devoir de soutien, soit en ne s’impliquant pas activement dans votre campagne, soit en s’alignant discrètement avec d’autres membres du camp adverse, réduisant ainsi la cohésion et la force de votre équipe. Ces événements ont non seulement compliqué votre campagne mais ont également révélé les fractures internes au sein de votre grande coalition, mettant en lumière les défis que peut rencontrer un leader même expérimenté et respecté comme vous, lorsqu’il s’agit de maintenir l’unité dans un contexte politique complexe.
C’est fort de tout cela que je tenais à vous féliciter chaleureusement pour votre remarquable performance lors de ces dernières élections présidentielles. Obtenir 35,79 % des voix dans un contexte aussi difficile, marqué par des trahisons au sein de votre propre camp, est un véritable exploit, un accomplissement remarquable, un score honorable. Cela démontre non seulement votre détermination et votre résilience, mais aussi la confiance que de nombreux citoyens plaçaient en vous et en vos idées. Vous avez su faire face à l’adversité avec courage et dignité, et cela n’est pas passé inaperçu. Ce résultat est une preuve éclatante de votre leadership et de la force de votre vision pour l’avenir.
Mais au-delà de ce résultat impressionnant, c’est votre posture d’homme d’État qui force le respect et l’admiration. Certains diront que vous aviez manqué de courage politique. Mais vous avez choisi de rester fidèle et loyal, refusant de dénoncer publiquement le manque d’élégance de certains de vos camarades de parti, les manœuvres et les calculs politiques qui ont perduré jusqu’à la dernière minute, en maintenant votre engagement envers votre camp et votre mentor tout au long de cette épreuve. Ce choix démontre une force intérieure et une détermination que peu de personnes auraient pu montrer dans des circonstances aussi complexes. Cette attitude démontre une grande maturité politique et un sens profond des responsabilités. Votre capacité à rester digne et concentré sur l’essentiel, même dans les moments les plus difficiles, est une véritable source d’inspiration. Vous avez su placer l’intérêt supérieur de votre coalition au-dessus de votre intérêt personnel. Cette hauteur de vue vous honore. La force d’un leader réside aussi dans sa capacité à rassembler et à fédérer.
Votre préparation d’aujourd’hui sera la clé de votre succès de demain :
Pour qui connait votre parcours, il est objectivement celui d’un homme qui connaît intimement le fonctionnement de l’administration et qui maîtrise parfaitement les rouages de l’État. Vous avez su gravir les échelons avec brio, démontrant à chaque étape de votre riche et brillante. - carrière, une compétence et une rigueur exemplaires. Nul besoin de lister ici les postes que vous avez occupés jusqu’ici, mais votre trajectoire inspire respect et admiration, tant au sein de l’appareil d’État qu’auprès de vos concitoyens. Vous avez donc en main les atouts nécessaires pour aller de l’avant et pour continuer à servir le Sénégal avec la même détermination et la même intégrité qui ont toujours guidé vos actions.
- 2029, c’est maintenant. Les défis de demain se préparent aujourd’hui. Vous avez prouvé que vous êtes capable de surmonter l’adversité et de rester fidèle à vos principes malgré les vents contraires. L’heure est venue de planifier, de mobiliser et de structurer une stratégie solide pour les années à venir. Chaque instant compte, et le travail à accomplir dans le Sénégal des profondeurs sera déterminant. Vous devez être prêt à investir tout votre temps, votre énergie, et à rassembler autour de vous une équipe engagée, prête à relever les défis qui se présentent. Comme celui de 2024, le chemin vers 2029 sera parsemé d’embûches, mais c’est aussi une opportunité unique de démontrer votre leadership comme vous avez su le faire. Commencez dès maintenant à écouter, à apprendre, et à bâtir une vision claire. Le PSE vous sera utile en ce qu’il contient de mieux, mais il faudra nécessairement apporter votre touche personnelle.
- Aujourd’hui, il est temps de tracer votre propre chemin. Les résultats de ces élections montrent que vous avez un soutien solide, mais pour atteindre vos objectifs lors des prochaines échéances, il vous faudra vous consacrer pleinement à la conquête des suffrages des sénégalaises et des sénégalais. Cela nécessitera un travail titanesque dans le Sénégal des profondeurs, par la proximité et l’écoute.
- C’est le moment ou jamais de «voler de vos propres ailes», fort des leçons tirées de vos expériences passées. En apprenant de chaque étape franchie, en tirant parti de chaque difficulté surmontée, vous pourrez bâtir une base solide et inspirer la confiance des sénégalaises et des sénégalais.
Les obstacles ne doivent pas freiner votre ambition. Au contraire, ils peuvent devenir le socle sur lequel vous construirez une base encore plus solide pour l’avenir. Chaque jour compte, et les prochaines étapes de votre parcours nécessiteront une organisation rigoureuse et une mobilisation sans faille de vos soutiens.
Je vous souhaite beaucoup de courage et de succès dans cette nouvelle étape de votre parcours, avec toute mon estime ! - Par M. Sally Birom SECK Diplômé de l’Université Dakar Bourguiba, de l’Université de Lorraine et de l’Université de Strasbourg Entrepreneur & Consultant Ancien Chargé d’Enseignements Vacataire (C.E.V) à l’Université de Strasbourg
- Le 02/09/2024