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La marche vers la vraie démocratie est difficile, Journaliste du pays, aidez-nous ! (Ibnou SOUGOUFARA, Économiste de l’Énergie et Actuaire)

Cette semaine, le Journaliste Pape Alé Niang a mentionné dans sa chronique que « Notre pays est à la croisée des chemins ». On ne peut être plus en accord avec une telle affirmation. C’est la raison pour laquellenous avons estimé nécessaire de rédiger cet article pour souligner le rôle essentiel que doit jouer la pressesénégalaise dans la marche tumultueuse de notre peuple vers une démocratie plus parfaite. La sphère médiatique sénégalaise est, de toute évidence, en pleinecrise. L’info-divertissement et les manipulations ont fini de contaminer massivement l’espace médiatique, nuisant ainsi à la qualité du journalisme, en général, et du journalisme politique, en particulier ; nuisant, par conséquent, à son rôle dans l’édification d’une meilleure société démocratique. Si la séparation des pouvoirs demeure le centre de la démocratie, une presse libre, professionnelle, active, et juste, enconstitue la circonférence. 

En dépit du fait que les dirigeants et les institutions du pays s’irritent des critiques des journalistes, en dépit des critiques de l’opinion à l’endroit du travail des journalistes dont les excès et lacunes sont très souvent pointés, à tort ou à raison, la presse a l’obligation première de ne jamais cesser de demander des comptes aux dirigeants et institutions. Selon Thomas Jefferson,un des plus grands défenseurs de la liberté de la presse,« si une nation s’attend à être ignorante et libre, dans un état de civilisation, elle s’attend à ce qui n’a jamais été et ne sera jamais. Les autorités de tout gouvernement ne peuvent être en sécurité sans information. Là où la presse est libre et où tout le monde sait lire, tout est en sécurité ».

Le Sénégal en tant que vitrine démocratique en Afrique, se trouve dans un moment crucial de son histoire et sa presse doit plus que jamais être en état d’alerte afin de recadrer ses dirigeants. La société a accordé aux journalistes un certain nombre de droits (liberté d’accéder aux dirigeants et institutions, statut, autonomie…). Toutefois, elle attend, en contrepartie,un service d’informations irréprochable sur les questions essentielles, le fonctionnement des institutions, les personnages qui les animent, et dont lesactions affectent le sort, la vie, bref, la destinée de lacommunauté.

Il faut toutefois reconnaître que la relation entre journalisme et démocratie n’est pas simple. Cette relation dépend non seulement de l’état actuel des médias et de la démocratie, mais aussi et surtout, de facteurs politiques, et culturels. Elle dépend, enfin, dela nature de l’économie ainsi que des technologies et des formes de communication. 

Cependant, La vieille conception du journaliste ‘’chien de garde’’ et simple informateur est aujourd’huiobsolète. L’Internet a fait tomber toutes les barrières. Au lieu de se borner à n’être que des chiens de garde, les journalistes doivent désormais être des arbitres et des éducateurs. Le public est autant inondé d’informations illimitées que généralement dépourvu de moyen pour discerner ce qui a de la valeur, mais aussi, le vrai de la propagande.

En ce moment crucial de notre histoire, il est vital demettre en place un travail journalistique capabled’apporter les avis et éclairages nécessaires au peuple, d’autant plus que la majeure partie de ce dernier n’est pas suffisamment éduquée. Le paradoxe est que le choix de vote est, foncièrement, une compétence, selon Platon. 

Nous reconnaissons, nous tous, que notre peuple ne peut surmonter les difficultés du moment sans des réformes institutionnelles profondes, sans une redéfinition plus large de l’Etat-Nation, de la laïcité, et fondamentalement, de ce que les Américains appellentle ‘’Self-Government’’. 

Pourquoi nous nous empressons tous de léguer à nos enfants des biens matériels (maisons, voitures, etc.). Le vrai héritage à léguer est celui d’un pays, d’une nation et d’un gouvernement juste. Pourquoi bon nombre d’entre nous détiennent des nationalités de pays développés, emmènent nos épouses accoucher à l’étranger afin de pouvoir faire bénéficier à leursenfants une autre citoyenneté considérée comme plusattrayante ? La différence n’est rien d’autre que cette organisation basée sur des institutions fortes, pierre angulaire d’un commun vouloir de vivre en commun des citoyens.

Chers journalistes, c’est la première fois dans l’histoireélectorale du Sénégal que le Président sortant n’est pas dans la course. Cette situation inédite, donc historique, fait de vous les véritables dépositaires de l’expérience de l’exercice du pouvoir car ayant côtoyé tous les prétendants à la magistrature suprême. Le pays a besoin de vous en ces temps critiques de transition. Je comparerais la situation à la phase transitoire de l’adolescence à la maturité en sciences comportementales. Aidez-nous à rendre ceux qui aspirent à nous diriger, comptables et responsables de cette réforme vitale des institutions. Cette pression que nous devons exercer sur ceux qui aspirent à nous diriger doit s’inspirer de l’injonction des Américains, « Hold their feet to the fire » (« Tenir leurs pieds sur lefeu »). Telle est la première résolution que chaque candidat doit prendre. Comme disait Machiavel « Pour survivre en période de changement, les institutions doivent retourner à leurs racines ».

Aidez-nous à éradiquer cette masse critique de pauvreté dont souffre notre pays à cause de la mal gouvernance de ses dirigeants. Ce qui différencie les défavorisés des riches, c’est l’absence d’audibilité, dereprésentation, l’incapacité pour les premiers depouvoir faire part aux décideurs ce qu’elles pensent, l’incapacité de mettre en lumière les conditions d’inégalité. Par conséquent, une presse libre, consciente et déterminée est absolument vitale. 

Une presse au service du peuple n’est pas un luxe, ni un supplément, c’est un droit inaliénable en démocratie.Elle est absolument au cœur d’un développement juste et équitable. Pour nous tous et pour notre liberté continue dans un monde dangereux et anarchique, il ne faut pas oublier le passé et les valeurs qui ont rendu possible l’indépendance. Car, en fin de compte, si nous devons retenir une leçon de l’histoire, c’est que la liberté et la démocratie ne dépendent pas de la technologie ou de l’organisation la plus efficace. Elles dépendent plutôt d’individus qui refusent d’abandonner leur conviction selon laquelle la libre circulation d’informations véridiques et opportunes les a rendus possibles avec l’indépendance et la dignité humaine. Le Conseil Constitutionnel et la Cour Suprême du pays se sont récemment démarquésavec des décisions salutaires pour le Sénégal et pour l’Afrique tout entière. C’est à vous journalistes de voustenir maintenant debout pour pousser à cette réforme institutionnelle qui nous mettra enfin à l’abri des aléaspoliticiens et sur la voie du véritable développement. 

Ainsi, ces réformes institutionnelles qui mettront clairement en exergue la séparation des pouvoirs,définiront, à jamais et pour toujours, le vrai héritage pour les générations futures et justifiera certainement votre existence en tant que quatrième pouvoir,défenseurs authentiques de la République, et guides du peuple en matière de politique publique. 

 Ibnou SOUGOUFARA

Économiste de l’Énergie et Actuaire

 

 

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