Il y a 62 ans, 17 pays d’Afrique accédaient à l’indépendance, 17 régions africaines sous domination française, une indépendance obtenue en 1960. Aussi, il y a 77 ans, naissait en Jamaïque Robert Nesta Marley, d’une mère noire afro-jamaïcaine, Cédéla Buker et d’un père blanc, le capitaine Norval Marley du régiment Britannique Dame de l’ouest. Malgré l’amour de cet homme pour sa femme, la barrière de la couleur de peau séparera très vite ces deux amoureux. Le père reconnaitra son fils, lui donnera son nom, mais ne l’élèvera pas.
La vie de Bob Marley sera marquée par cette réalité raciale. Mais sa vie sera étroitement liée à l’Afrique. Il ne sera pas seulement un adepte d’un retour même spirituel en Ethiopie, comme il est parfois préconisé dans la philosophie rasta.
Pour Bob Marley, l’Afrique dans sa globalité l’inspirait. C’était l’un des moteurs de sa vie.
Qu’aurait chanté Marley en ces années de commémoration des 62 ans d’indépendances africaines marqués par la crise sanitaire liée à la Covid-19? Aurait-il été dans une dynamique festive comme l’ont été certains durant le cinquantenaire ou de tristesse pour d’autres où rien n’est toujours pas certain à cause surtout de la guerre en Ukraine, ou encore dans un besoin d’inventaire, de bilan légitime ?
Pour la petite histoire, c’est en 1979 que sort « survival, » l’avant dernier album de Bob Marley et les wailers. Sur cet opus figure Zimbabwé, une chanson en hommage à ce pays qui, en 1979 n’existait pas encore officiellement mais Robert Mugabé et ses combattants avaient rebaptisé la Rhodésie pour un nom signifiant forteresse ou maison de pierre. La Rhodésie et son affame régime d’apartheid tombèrent définitivement suite aux accords de Lankester le 21 Décembre 1979.
Le 17 Avril 1979 Bob Marley est en concert en Hararé, pardon Stansberry comme on disait à l’époque de la Rhodésie, il commence son spectacle en lançant viva Zimbabwé, une phrase pas du tout du goût des autorités. Le concert sera émaillé d’incidents plus ou mois violents et interrompu par une émeute immédiatement réprimée par les forces de l’ordre.
Avant cette date du 17 Avril, Bob Marley est en concert à Libreville au Gabon à l’invitation du Président Omar Bongo pas encore Odimba qui fête son anniversaire. Marley se produit à Libreville le 4 Janvier. Sachez qu’une amitié profonde liait la famille Bongo à Bob et surtout à Pascaline Bongo avec qui il restera ami jusqu’a sa mort. Le prénom de la fille de Pascaline Bongo témoigne de cette amitié forte, elle s’appelle Nesta comme Robert Nesta Marley.
Au regard des crises qui secouent l’Afrique, du Mali au Congo, en Casamance, aux pays Touaregs, de l’Ouganda au Nigeria sans oublier le Rwanda, il est évident que le titre « war » sorti en 1976 est toujours d’actualité. Dans cette chanson est résumée toute la bêtise humaine qui conduit à trouver des justifications à la guerre, ethnique, terroir, richesse minière, racisme né du sentiment de supériorité. Il n’y a pas de couleur pour être raciste ou un criminel contre l’humanité.
De son vivant, Marley a eu vent de la guerre du Biafra, du Sahara occidental, de l’Est du Congo pas encore le Zaïre, du non de Sékou Touré à Degaule, du défit de Kouamen Nkrumah, d’Amilkal Cabral, du courage de Lumumba et déjà du célèbre prisonnier Nelson Mandela. Bob Marley rêvait d’une Afrique unie, ambition qu’avaient les pères fondateurs d’une Afrique libre en 1963 lors de la création de l’OUA à Addis Abéba.
Les Etats Unis d’Afrique tardent à devenir une réalité peut-être à cause des influences des anciennes puissances coloniales, peut-être à cause d’une monnaie en Afrique francophone trop contraignante pour un développement économique, ou peut-être tout simplement à cause de l’incapacité des élites africains à offrir de vraies indépendances économiques et culturelles aux peuples d’Afrique.
Vous conviendrez avec moi que, si Marley qui est né dans la servitude comme tous les peuples noirs des Caraïbes et des Amériques, s’était produit aujourd’hui devant les dirigeants africains, la chanson qu’il aurait interprétée, serait sans nulle doute, « Africa United ».
La situation de l’Afrique de ce début de 21eme siècle est le résultat de bien des épisodes de l’histoire, certes, mais parmi eux, les 4 siècles d’esclavage et de colonisation pèsent lourd. Malgré ce constat, Bob Marley serait resté positif et nous aurait peut-être chanté « positive vibration ». Bob Marley n’a jamais cessé de plaider pour un monde où l’un accepterait l’autre tel qu’il est et quel que soit la couleur de sa peau.
C’est à Miami le 11 Mai 1981, le lendemain de l’élection de François Mitterrand à la tête de l’Etat Français, que Bob Marley nous quittait. Durand 8 mois, le prophète du Reggae et pour certains prophète tout simplement lutta contre sa maladie. Mais ce dernier combat, il ne le gagnera pas. On dit que sa mission était terminée. L’Afrique l’avait porté, adulé, vénéré et le reste du monde respecté et tant écouté. Aujourd’hui, l’artiste est à tout jamais immortalisé. Son œuvre est tellement colossale, riche de thème prônant l’amour et la fraternité entre les peuples, mais surtout tant de chansons pour l’unité Africaine, pour l’Afrique et ses peuples.
La flamme de Marley s’est entretenue par des reprises de ses chansons et des manifestations organisées annuellement. Sur tous les continents, Bob fut honoré. Au Japon, un groupe a même réenrégistré une grande partie de son répertoire. Mais, incontestablement, la région du monde qui le portera au rang de chanteur mythique, c’est l’Afrique, terre de ses ancêtres et berceau de l’humanité.
L’ivoirien Alpha Blondy ne s’y est pas trompé en reprenant la chanson war devenue la guerre ou Natural mystique, mystère naturel, non par calcul commercial mais juste par admiration comme beaucoup d’entre nous. Mais, ces 3 derrières années, rien n’est plus comme avant, car pour les 41 ans de la disparition de Robert Nesta Marley, pas de festivités pour raison de crise sanitaire liée à la Covid-19. Eh oui, triple hélas, Coronavirus est encore passé par là et a changé nos habitudes mais a surtout bouleversé nos vie.
Aly Saleh journaliste/chroniqueur